Au terme de leur tragique odyssée, des migrants bloqués dans le port de Catane sur l’un des navires humanitaires autorisés à accoster en Sicile par le gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni se sont jetés à l’eau lundi, désespérés de débarquer. Le chef du parti post-fasciste Fratelli d’Italia s’est engagé à “défendre les frontières de l’Italie” en empêchant les navires des ONG opérant en Méditerranée d’entrer dans les ports italiens pour débarquer les milliers de migrants qu’ils sauvent chaque année. Dimanche, son gouvernement a finalement approuvé le débarquement des seuls mineurs et des personnes ayant des problèmes médicaux. Deux bateaux ont pu accoster à Catane, deux autres ont été rejetés, transportant au total mille personnes.

État “étiré” à bord

Pris dans un face à face entre des ONG et le nouvel exécutif italien, trois migrants ont sauté lundi du Geo Barents, un navire de Médecins sans frontières (MSF), qui était à quai. Les trois hommes ont récupéré rapidement, selon MSF. Quelques instants plus tard, une dizaine d’autres migrants sur le pont du bateau ont crié “Aidez-nous”, a constaté un journaliste de l’AFP. Dans le même temps, plus de 500 personnes, signalées plus tôt en danger par l’ONG Alarm Phone, ont été secourues par les autorités italiennes et débarquées en Sicile, a indiqué à l’AFP le préfet de Syracuse. “Ils subissent d’abord un examen médical, puis ils sont identifiés par la police avant d’être distribués dans des structures d’accueil”, a expliqué Giuseppe Scanduto. Lire aussi Famille, immigration, Europe… Le programme conservateur de Giorgia Meloni en Italie “Nous nous comportons avec humanité, mais nous restons fermes dans nos principes”, a déclaré le ministre de l’Intérieur Matteo Piandendozzi dans la soirée à Rome. Il a souligné que des migrants avaient été acceptés dans d’autres ports et assuré que ceux qui étaient encore à bord étaient “sous surveillance constante par les autorités”. Selon le ministère italien de l’Intérieur, plus de 88 000 personnes sont arrivées des côtes africaines depuis le 1er janvier. Le sénateur démocrate Antonio Nicita, qui a visité les navires d’aide amarrés dans le port de Catane, a déclaré que “la situation est tendue” à bord. “Sur les navires la nervosité prédomine, les humanitaires calment les esprits. De nombreux migrants se sont déshabillés devant nous pour nous montrer des infections dans leurs parties intimes”, a-t-il témoigné, évoquant des cas de gale.

“Situation d’urgence”

Le Geo Barents a accosté dimanche après-midi et les autorités italiennes ont autorisé 357 personnes, dont des enfants, à débarquer tout en refusant l’entrée à 215 autres. L’un des migrants a ensuite été emmené en ambulance après s’être plaint de fortes douleurs abdominales, a indiqué lundi Médecins sans frontières, soulignant que les autres étaient de plus en plus vulnérables. “Leur situation, leur niveau de stress psychologique est très, très élevé”, a déclaré Ricardo Gatti, responsable de la recherche et des secours à MSF. “Le navire a ses limites en termes d’assistance médicale”, a-t-il déclaré. Au port se trouve le navire battant pavillon allemand Humanity 1, exploité par l’association caritative SOS Humanity, qui a débarqué 144 personnes dimanche. Il y a encore 35 migrants mâles adultes à bord. Un décret du gouvernement italien publié vendredi a déclaré que le navire n’était autorisé à accoster que suffisamment longtemps pour localiser les passagers dans une “situation d’urgence”. Le capitaine du navire, Joachim Ebeling, a défié les ordres de quitter le port, insistant lundi sur le fait que “toute personne secourue a le droit de débarquer dans un port sûr”. “Je ne vais nulle part avec ces gens à bord”, a-t-il déclaré aux journalistes. Le nouveau gouvernement italien, le plus à droite depuis la Seconde Guerre mondiale, s’est engagé à adopter une ligne dure à l’égard des immigrés. Et le ministre de l’Intérieur, Matteo Piadendozzi, a déclaré que les migrants secourus en mer étaient sous la responsabilité de l’État dont les bateaux battaient le pavillon – en l’occurrence norvégien et allemand. Lire aussi “Avec Meloni, on voit très concrètement comment Le Pen pourrait atteindre l’Elysée” Matteo Salvini, l’ancien ministre de l’Intérieur dont le parti Ligue fait partie de la coalition au pouvoir, a souligné que les arrivées devaient “s’arrêter”. “Ce sont des voyages organisés, de plus en plus dangereux, qui financent des armes et de la drogue”, a déclaré sur Twitter l’actuel vice-Premier ministre. Des appels ont été déposés devant les tribunaux de Rome et de Catane lundi, a rapporté SOS Humanité. Amnesty International, pour sa part, considère que l’Italie “viole ses obligations internationales”. Dans un communiqué, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) “continuent d’exhorter les gouvernements européens à fournir rapidement un lieu sûr et à autoriser le débarquement immédiat de près de 600 personnes résidant sur les navires des ONG”.