Pouvez-vous commencer par expliquer la différence entre un AVC et un AIT ? Un accident vasculaire cérébral survient lorsqu’une artère du cerveau est bloquée et que le patient est paralysé et a de la difficulté à parler. Lors d’un AVC, ces symptômes persistent pendant plusieurs jours, semaines ou années et l’artère reste obstruée. L’AIT est comme un “mini-AVC”, l’artère se bouche en quelques minutes et donc le patient présente des symptômes (comme pour un AVC), mais transitoires et récupère très rapidement. Comment ces AIT sont-ils actuellement pris en charge ? Après avoir dressé une liste des 1 100 médecins généralistes de la région bordelaise, on sait qu’ils traitent tous un à deux AIT par mois, soit environ 30 AIT par jour dans la Métropole bordelaise. Dans 60% des cas elle est prise en charge par le médecin généraliste en lien avec un cardiologue, dans 20% ils se présentent aux urgences de Pellegrin et les 20% restants sont répartis dans d’autres structures comme les cliniques. Les patients ne savent-ils pas nécessairement que leurs symptômes sont de nature urgente ? Ils sont faussement rassurés que cela ne dure pas longtemps, alors soit ils ne font rien, soit ils appellent tôt ou tard leur médecin. S’il recommande des cas urgents, il y a parfois une réticence à s’y rendre à cause des retards dans la salle d’attente. Au service neurologique, malheureusement, nous ne pouvons pas les emmener immédiatement aux urgences, car nous devons d’abord gérer les AVC pour lesquels nous disposons déjà d’un nombre limité de lits (16 en réanimation). Le médecin généraliste se retrouve souvent à gérer la condition en externe avec son patient. Il demandera une IRM cérébrale (délai de deux mois), une évaluation cardiaque (délai de trois mois), alors que l’AIT est une urgence, signe avant-coureur d’un éventuel AVC, qui surviendra dans les heures, jours ou semaines à venir. Comment ces patients sont-ils pris en charge ? Un patient qui a un AIT n’a pas besoin d’être hospitalisé, il doit être vu par un neurologue et subir des tests supplémentaires. Cela peut se faire dans un délai assez court : on estime qu’ils resteront entre trois et quatre heures au maximum dans la clinique. Nous avons un accès privilégié aux urgences IRM. L’une de nos premières patientes est décédée aujourd’hui, trente minutes après son arrivée dans notre établissement. Ils rentrent ensuite chez eux avec un traitement, qui fluidifie essentiellement le sang pour éviter qu’un accident vasculaire cérébral ne se produise. Nous savons qu’une personne sur quatre ayant subi un AVC a déjà eu un AIT. Il y en a donc une sur quatre qu’on aurait pu éviter. Et, si on s’occupe d’un AIT (tests urgents et traitement préventif), on évitera 80% du temps un AVC ultérieur, ce qui est énorme. Qui vous réfère ce patient ? Les patients ne peuvent pas appeler. Ce sont les médecins qui nous appellent soit le 15, soit SOS médecins. Nous avons mené toute une campagne de sensibilisation auprès des médecins de France métropolitaine (médecins généralistes, régulateurs Samu, cardiologues) et leur avons transmis notre ligne directe. Dès l’ouverture, nous avons déjà eu plusieurs appels. Nous pouvons accueillir cinq à six patients à la fois et, en journée, nous pouvons facilement estimer la prise en charge d’une quinzaine de personnes. Une infirmière expérimentée du service de neurologie répond aux appels des médecins et accueille les patients. C’est un projet auquel les infirmières du service ont adhéré et qui les a enthousiasmés. Le docteur Pierre Briau, assistant médical, est également attaché à la clinique. Le but est d’avoir une petite structure, mais qui permette de comptabiliser ces AIT en cas d’urgence. Comment le patient se rend-il à la clinique après avoir été référé par son médecin ? Le patient doit se présenter à la clinique, idéalement avec ses propres moyens s’il peut être accompagné d’un proche. Il ne sait pas conduire, c’est certain. S’il n’y a pas d’accompagnateur, une ambulance est dépêchée. Les horaires d’ouverture correspondent à ceux d’un hôpital de jour : du lundi au vendredi à partir de 9h. jusqu’à 18h30 Ce sont des pathologies qui se soignent le jour et, évidemment, les moyens sont aussi plus difficiles à mettre en oeuvre la nuit et le week-end. Les besoins semblent importants et dépassent le périmètre de l’agglomération, la structure pourra-t-elle grandir ? Aujourd’hui, nous sommes limités à Bordeaux Métropole, mais dans un second temps, si la structure fonctionne bien et que nous pouvons l’agrandir en ayant plus de moyens humains, nous pourrions élargir la zone de recrutement. Nous serons évalués tous les six mois par le CHU, qui soutient cette initiative depuis le début. Cette clinique permettra de désengorger les urgences en jouant un rôle régulateur : les AIT seront mieux pris en compte et il sera parfois possible d’éviter le passage de certains patients qui présentent des symptômes un peu irrationnels.