Projets de loi au Parlement, ajoutant une quatrième année d’exercice en médecine générale… La lutte contre les déserts médicaux est, depuis quelques mois, revenue au centre du dialogue public. Et les alertes se sont multipliées : « 62 % des 12 millions d’habitants d’Ile-de-France ont un accès insuffisant à un médecin généraliste », s’inquiétait la patronne de l’ARS d’Île-de-France Amélie Verdier dans nos colonnes en octobre. Mais quelle est l’étendue des déserts médicaux en France ? Désireux de répondre à cette question, l’UFC-Que Choisir publie, ce mardi, une carte interactive afin que chacun puisse vérifier l’accès aux soins depuis sa commune. Critiquant “l’insupportable écart sanitaire” qui mine les régions, l’association de consommateurs met également en avant “l’état déplorable de l’accès géographique et économique aux soins en France”. Lire aussi Des médecins retraités pour sauver les déserts médicaux Pour créer sa carte, l’association s’est penchée sur quatre professions : médecins généralistes, ophtalmologistes, gynécologues et pédiatres. Il s’appuyait sur « l’accessibilité potentielle locale », un indicateur utilisé par les statistiques du ministère de la Santé pour « mesurer l’adéquation spatiale entre l’offre et la demande de soins primaires à un niveau géographique fin ». L’UFC-Que Choisir a ensuite lié cette offre aux tarifs pratiqués, en tenant compte “de l’éloignement géographique et de la capacité financière des usagers à se soigner”. Elle a donc examiné trois niveaux de tarification : les médecins sans trop-payés, ceux avec des trop-payés modérés et tous les praticiens, y compris ceux avec des trop-payés importants. Grâce à ces indicateurs, l’UFC a élaboré un classement des communes par rapport à la moyenne nationale. Un désert médical est une zone où “l’accessibilité géographique est inférieure d’au moins 60% à la moyenne nationale” et une commune “d’accès difficile” aux soins est classée “entre 30% et 60% en dessous de la moyenne nationale”. Ce travail accompli, le constat est pour le moins alarmant. Du côté des médecins généralistes, les déserts médicaux à proprement parler concernent 2,6 % de la population, soit 1,7 million de personnes. Or, 23,5 % des usagers, soit près d’un quart de la population, auraient des difficultés à accéder à ce lien de classe sanitaire à moins de 30 minutes en voiture et habitent donc une zone d’accès difficile. Carte d’accès aux médecins généralistes, pour toutes les factures. Crédit : UFC-Que Choisir

Situation particulièrement dégradée en France “régionale”

Au-delà des médecins généralistes, le constat est préoccupant pour les trois spécialités étudiées par l’UFC-Que Choisir. Ainsi, “19% des patients (12,3 millions de personnes)” vivraient dans un désert médical ophtalmique, selon l’association. La situation est encore plus alarmante pour les gynécologues et pédiatres : 23,6 % des femmes vivent dans un désert médical, dans le premier cas, et 27,5 % des enfants, dans le second cas. Des chiffres bien plus élevés si l’on considère les populations ayant des difficultés d’accès, au-delà des seuls déserts médicaux. Malgré l’ampleur des difficultés, des disparités subsistent selon les territoires. “D’une manière générale, le type de territoire est un déterminant clé de l’écart sanitaire : la situation est particulièrement dégradée en France ‘régionale’ : franges rurales des grands centres urbains, communes rurales, franges des petits et moyens centres”, précise le relation consommateur. Le département de la Sarthe et une grande partie de la Nièvre sont particulièrement sous-équipés pour les quatre métiers analysés par l’UFC-Que Choisir. “En revanche, la côte méditerranéenne, la côte atlantique, les montagnes et les grands centres urbains semblent attractifs pour les médecins”, explique Maria Rubtsova, chef de la mission santé au syndicat. Accès géographique aux pédiatres, à tous les prix. Crédit : UFC-Que Choisir

L’UFC demande à l’État de réglementer l’établissement des médecins

L’analyse devient encore plus troublante avec l’inclusion du critère économique. Si l’on considère uniquement les médecins qui pratiquent avec un taux de surpaiement maximal de 50 %, les chiffres sont pires pour les spécialistes. 39,2% des personnes seraient alors dans un désert médical en matière d’ophtalmologie : autrement dit, plus d’une personne sur trois n’aurait pas facilement accès à un ophtalmologiste dont le trop-perçu est “modéré”. Un pourcentage qui s’élève à 32,8% des enfants pour la pédiatrie et 54,7% des femmes pour la gynécologie. Tenant compte de ce critère, l’association note que « les déserts médicaux concernent aussi bien les zones rurales qu’urbaines » : « Ce sont surtout les grandes villes qui sont touchées par des surcoûts importants. Cela crée un problème d’accès aux soins, d’un point de vue financier, pour les résidents », pointe Maria Rubtsova. Carte géographique d’accès aux gynécologues, avec surcoûts “modérés”. UFC-Que choisir Face à cette situation, l’UFC-Que Choisir appelle les pouvoirs publics “à changer de logique en réglementant l’implantation des médecins (une telle régulation existe pour l’implantation des infirmiers libéraux) et en mettant fin à la fièvre des “honoraires” excessifs”. “. Les médecins ne pouvaient plus s’implanter dans des “zones sur-dotées” à moins de suivre les tarifs de la Sécurité sociale, “lorsque la situation l’exigeait”. Une politique du “bâton”, et non de la “carotte” privilégiée aujourd’hui. Lire aussi Budget de la Sécu : rébellion dans la majorité derrière une mesure anti-médicale du désert Cependant, ses appels sont susceptibles d’être à peine entendus. Mi-octobre, face aux efforts des élus de tous bords pour réglementer l’exercice des médecins, l’administration a réitéré sa ferme opposition à toute mesure coercitive. “Pas par dogme, mais parce que ça ne marche pas”, a insisté François Braun, le ministre de la Santé. À VOIR AUSSI – ‘En 20 ans de bronchiolite on n’avait jamais tiré le plan blanc’ : les urgences pédiatriques en crise