Après la “Résurrection”, après la “Rénovation”, c’est l’heure de la “Révolution” annoncée chez Renault par son PDG, Luca de Meo, à son arrivée mi 2020. Lors d’une journée investisseurs très attendue, le drapeau tricolore s’est dévoilé à la hausse des objectifs financiers révisés mardi, mais surtout un projet de restructuration massif visant à accélérer sa transformation et à sécuriser son avenir. “Il s’agit de préparer l’entreprise aux futurs défis et opportunités créés par la transformation de notre industrie”, rappelle Luca de Meo. Nous entendons nous positionner plus vite et plus fort que la concurrence sur les nouvelles chaînes de valeur automobiles : véhicule électrique, logiciels, nouvelles mobilités et économie circulaire », insiste-t-il.

Deux nouvelles filiales

Point d’orgue de cette réorganisation, la création (annoncée en février dernier) de deux nouvelles filiales destinées à accueillir des partenaires extérieurs : l’une dénommée Ampère, dédiée aux voitures électriques, et la seconde dénommée Cheval, spécialisée dans le développement et la production de moteurs thermiques et hybrides. . Comme prévu, Ampère regroupera 10 000 salariés en France, notamment ceux de la branche Electricité implantée dans les Hauts-de-France, et aura pour objectif de produire un million de véhicules électriques sous la marque Renault d’ici 2031. Porté par la conversion progressive des ions lithium, la nouvelle société vise une croissance de plus de 30% par an sur les huit prochaines années, une marge opérationnelle de prix à la hausse en 2025 et 10% en 2030. La création d’une entreprise individuelle vise à mieux utiliser les capacités de Renault dans cette activité et à lever des capitaux pour accélérer sa croissance. Une introduction en bourse d’Ampère est annoncée “au second semestre 2023 au plus tôt”. Renault visera une valorisation de 10 milliards d’euros (il n’a pas officiellement confirmé le chiffre) – plus que sa valorisation boursière actuelle. Diamond promet toutefois de conserver “une forte majorité” du capital. Le fabricant de puces Qualcomm Technologies, également partenaire d’un projet d’architecture électronique centrale, s’est présenté comme un investisseur potentiel. Quant à la participation de Nissan, l’allié historique de Renault qui devrait également prendre jusqu’à 15% d’Ampère, “elle est à l’étude”, a reconnu Luca de Meo, qui s’est toutefois refusé à donner plus de détails à ce stade.

Une alliance pour vendre plus de moteurs

Luca de Meo a également donné des précisions sur Horse, sa filiale spécialisée dans les moteurs (thermiques et hybrides) et les boîtes de vitesses. Renault a confirmé une alliance avec le chinois Geely dans une joint-venture, désormais à 50/50 entre les deux partenaires. Constituée d’un apport d’actifs, sans échange de numéraire, la nouvelle entité accueillera en temps voulu de “nouveaux partenaires”, précise le communiqué, sans mentionner le groupe pétrolier saoudien Aramco, qui s’est approché pour investir aux côtés de Geely. Visant à servir les industriels du monde entier, Horse comptera 19 000 salariés et générera un chiffre d’affaires de 15 milliards d’euros depuis sa création. Renault compte sur cette alliance pour devenir plus compétitif en augmentant ses volumes et en servant des géographies dont il est actuellement absent, comme la Chine ou les États-Unis. Le groupe au Diamant a également annoncé la création d’autres divisions, qui auront chacune ses dirigeants et son statut de revenu : outre Ampère, elles comprendront Mobilize (dans les services), Alpine et The Future is Neutral (dans l’économie circulaire). . Le reste, qui constituera la “base du business model” du groupe selon les termes du directeur financier Thierry Piéton (c’est-à-dire les voitures thermiques Renault et Dacia, ainsi que les véhicules utilitaires), sera regroupé sous l’appellation Power. C’est ce département qui abritera la filiale Cheval.

10% de marge opérationnelle

Cette nouvelle organisation doit accompagner l’atteinte de nouveaux objectifs financiers. Malgré sa sortie forcée du marché russe, le groupe au losange a atteint deux ans plus tôt cette année les objectifs – ils sont assez modestes – fixés par le PDG Luca De Meo dans le cadre du plan stratégique de Renaulution. Le constructeur vise désormais une marge opérationnelle supérieure à 8% en 2025 et 10% en 2030 (contre 5% en 2022). Le cash-flow libre doit être supérieur à 2 milliards d’euros par an en moyenne en 2023-2025 et à 3 milliards d’euros en 2026-2030 (1,5 milliard en 2022). Cette hausse des bénéfices permettra une distribution de dividendes dès l’an prochain, pour l’année 2022. Le groupe promet aux actionnaires que le taux de distribution augmentera “progressivement et de manière disciplinée” jusqu’à 35% du résultat net du groupe. Parallèlement, la participation des salariés doit passer à 10 % du capital d’ici 2030. Les investisseurs ont d’abord exprimé leur déception, notamment face au manque de précisions sur la refonte de l’Alliance : l’action Renault a chuté de 4% dans la matinée, avant de se redresser à -1,7% en fin de journée à la mi-journée. La réorganisation du Losange (notamment l’entrée de Nissan dans Ampère) devrait en effet s’accompagner d’une refonte majeure de l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, notamment à travers un rééquilibrage de la gouvernance. Mais la question est épineuse et nécessitera encore des négociations délicates. “Il reste encore des semaines à venir”, murmure-t-on à Yokohama.

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